Le bonheur est-il seulement théorique ?

Le bonheur, c'est bien beau en théorie, mais comment cela se traduit-il dans la pratique ? Comme le dit le psychiatre américain Howard Cutler dans L'art du bonheur : "J'ai acquis la conviction que le Dalaï Lama avait appris à vivre avec un sentiment d'accomplissement et un degré de sérénité que je n'avais jamais vus chez d'autres personnes"- Un tel exemple peut sembler un peu hors de notre portée, mais la vérité est qu'aussi inaccessible qu'il puisse paraître, le Dalaï Lama n'est certainement pas un cas isolé. J'ai moi-même passé trente-cinq ans à côtoyer non seulement des sages et des maîtres spirituels, mais aussi un certain nombre de personnes "ordinaires" dont la sérénité et la joie intérieures leur permettent de résister à la plupart des aléas de la vie. Ces personnes n'ont plus rien à gagner pour elles-mêmes et sont donc entièrement disponibles pour les autres. Mon ami Alan Wallace raconte le cas d'un ermite tibétain qu'il connaissait bien et qui lui a dit, sans aucune prétention (il vivait paisiblement dans son ermitage, sans rien demander à personne), qu'il avait vécu pendant vingt ans dans un "état de béatitude continue".

Il ne s'agit pas de s'émerveiller devant des cas exceptionnels ou de proclamer la soi-disant supériorité d'une approche - bouddhiste, en l'occurrence - sur d'autres écoles de pensée. La principale leçon que j'en tire est la suivante : Si le sage peut être heureux, alors le bonheur doit être possible. C'est un point crucial, car tant de gens croient, en effet, que le vrai bonheur est impossible.

Le sage et la sagesse qu'il incarne ne représentent pas un idéal inaccessible, mais un exemple vivant. Il se trouve que c'est précisément de tels points de référence dont nous avons besoin dans notre vie quotidienne pour mieux comprendre ce que nous pouvons devenir. Il ne s'agit pas de rejeter en bloc la vie que nous menons, mais de tirer un immense profit de la sagesse de ceux qui ont élucidé la dynamique du bonheur et de la souffrance.

Heureusement, l'idée du sage heureux n'est étrangère ni au monde occidental ni au monde moderne, même si elle est devenue une denrée rare. Selon le philosophe André Comte-Sponville : "Le sage n'a plus rien à attendre ni à espérer. Parce qu'il est entièrement heureux, il n'a besoin de rien. De telles qualités ne tombent pas du ciel, et si l'image du sage est aujourd'hui un peu démodée - du moins en Occident - à qui la faute ? Nous sommes responsables d'une pénurie qui nous touche tous. On ne naît pas sage, on le devient.

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