Le bonheur est-il plus facile à dire qu'à faire pour une personne ayant une vie mondaine, une carrière et une famille ?

Tout cela est très inspirant, me direz-vous, mais à quoi cela me sert-il dans ma vie quotidienne, où j'ai une famille et un travail et où je passe la plupart de mon temps dans des circonstances très différentes de celles dont jouissaient les sages et les ermites ? Pourtant, le sage est bel et bien pertinent dans notre vie en ce qu'il apporte une note d'espoir : il me montre ce que je pourrais devenir. Il a emprunté un chemin ouvert à tous, dont chaque pas est source d'enrichissement. Nous ne pouvons pas tous devenir des athlètes olympiques du javelot, mais nous pouvons tous apprendre à lancer le javelot et développer une certaine capacité à le faire. Il n'est pas nécessaire d'être André Agassi pour aimer jouer au tennis. Dans tous les domaines de l'activité humaine, il existe des sources d'inspiration dont la perfection, loin de nous décourager, aiguise au contraire notre enthousiasme en nous offrant une vision admirable de ce à quoi nous aspirons. N'est-ce pas pour cela que les grands artistes, les hommes et les femmes de conviction, les héros, sont aimés et respectés ?

La pratique spirituelle peut être extrêmement bénéfique. Le fait est qu'il est possible de suivre une formation spirituelle sérieuse en consacrant chaque jour un peu de temps à la méditation. Plus de personnes qu'on ne le pense le font, tout en menant une vie de famille normale et en exerçant un travail absorbant. Les avantages d'une telle vie l'emportent largement sur les quelques problèmes d'organisation des horaires. De cette manière, nous pouvons entamer une transformation intérieure basée sur la réalité quotidienne.

Lorsque je travaillais à l'Institut Pasteur et que j'étais immergée dans la vie parisienne, les quelques instants que je réservais chaque jour à la contemplation m'apportaient énormément. Ils s'insinuaient comme un parfum dans les activités de la journée et leur donnaient une valeur toute nouvelle. Par contemplation, je n'entends pas seulement un moment de détente, mais un retournement du regard vers l'intérieur. Il est très fructueux d'observer comment les pensées surgissent et de contempler l'état de sérénité et de simplicité qui est toujours présent derrière le rideau des pensées, qu'elles soient sombres ou optimistes. Ce n'est pas aussi compliqué qu'il n'y paraît à première vue. Il suffit de consacrer un peu de son temps à l'exercice pour en ressentir l'impact et en apprécier la fécondité. En acquérant progressivement, par l'expérience introspective, une meilleure compréhension de la naissance des pensées, nous apprenons à repousser les toxines mentales. Une fois que nous avons trouvé un peu de paix intérieure, il est beaucoup plus facile de mener une vie affective et professionnelle épanouie. De même, en se libérant de toutes les insécurités et peurs intérieures (souvent liées à un égocentrisme excessif), on a moins à redouter et on est naturellement plus ouvert aux autres et mieux armé pour affronter les aléas de l'existence.

Aucun État, aucune Église, aucun despote ne peut insister sur notre obligation de développer des qualités humaines. C'est à nous de faire ce choix. Comme le généticien et démographe Luca Cavalli-Sforza et son fils Francesco l'ont si bien dit :

"Notre liberté intérieure ne connaît pas d'autres limites que celles que nous lui imposons ou que nous permettons qu'on lui impose. Et cette liberté est également porteuse d'un grand pouvoir. Elle peut transformer un individu, lui permettre de nourrir toutes ses capacités et de vivre chaque instant de sa vie dans l'épanouissement le plus total. Lorsque les individus changent en amenant leur conscience à maturité, le monde change aussi, parce que le monde est fait d'individus".

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