Matthieu Ricard
Le bonheur : Un guide pour développer la compétence la plus importante de la vie
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Existe-t-il un moyen de mettre fin à la souffrance ? Selon le bouddhisme, la souffrance existera toujours en tant que phénomène universel, mais chaque individu a la possibilité de s'en libérer.
Il se trouve que partout où il y a de la vie dans l'univers, il y a aussi de la souffrance : la maladie, la vieillesse, la mort, la séparation d'avec les êtres chers, la coexistence forcée avec nos oppresseurs, le déni des besoins de base, les confrontations avec ce que nous craignons, etc.
Malgré tout, cette vision ne conduit pas le bouddhisme à la vision de certains philosophes occidentaux pour qui la souffrance est inévitable et le bonheur hors de portée. La raison en est simple : le malheur a des causes que l'on peut identifier et sur lesquelles on peut agir. Ce n'est que lorsque nous nous trompons sur la nature de ces causes que nous en venons à douter de la possibilité d'une guérison.
La première erreur consiste à croire que le malheur est inévitable parce qu'il est le résultat de la volonté divine ou d'un autre principe immuable et qu'il sera donc toujours hors de notre contrôle. La deuxième est l'idée gratuite que le malheur n'a pas de cause identifiable, qu'il nous tombe dessus au hasard et qu'il n'a aucun rapport avec nous personnellement. La troisième erreur relève d'un fatalisme confus qui se résume à l'idée que quelle que soit la cause, l'effet sera toujours le même.
Si le malheur avait des causes immuables, nous ne pourrions jamais y échapper. Les lois de la causalité n'auraient aucun sens, tout pourrait venir de tout, les fleurs pourraient pousser dans le ciel et la lumière créer l'obscurité et, comme le dit le Dalaï Lama, il serait plus facile "de ne pas se donner la peine de ruminer constamment notre souffrance. Il serait préférable de penser à autre chose, d'aller à la plage et de boire une bière bien fraîche ! Car si la souffrance est incurable, il ne sert à rien de l'aggraver en la stressant. Mieux vaut l'accepter pleinement et se distraire pour la ressentir moins durement.
Mais tout ce qui arrive a une cause. Quel brasier n'a pas commencé par une étincelle, quelle guerre n'a pas été déclenchée par des pensées de haine, de peur ou d'avidité ? Quelle douleur intérieure n'a pas poussé sur le sol fertile de l'envie, de l'animosité, de la vanité ou, plus fondamentalement encore, de l'ignorance ? Toute cause active doit elle-même être changeante ; rien ne peut exister de manière autonome et immuable. Issu de causes impermanentes, le malheur est lui-même sujet au changement et peut être transformé. Il n'y a ni souffrance primordiale, ni souffrance éternelle.
Nous avons tous la capacité d'étudier les causes de la souffrance et de nous en libérer progressivement. Nous avons tous la possibilité de balayer les voiles de l'ignorance, de nous libérer de l'égoïsme et des désirs mal placés qui déclenchent le malheur, d'œuvrer pour le bien des autres et d'extraire l'essence de notre condition humaine. Ce n'est pas l'ampleur de la tâche qui compte, c'est l'ampleur de notre courage.
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